Par un arrêté n° 78-2021-04-29-00001 du 29 avril 2021, le préfet des Yvelines a déclaré d’utilité publique le projet de création d’une aire de grand passage sur le territoire des communes de Carrières-sous-Poissy et de Triel-sur-Seine.
Ce projet, porté par la Communauté Urbaine GPS&O, consiste en l’aménagement d’une aire de grand passage pour les gens du voyage sur une surface de 5,8 hectares.
Le préfet des Yvelines a décidé d’instruire ce dossier selon la procédure dite « du cas par cas », ce qui le dispense d’évaluation environnementale.
Or, cette procédure n’est possible que lorsque le site ne présente pas de sensibilité environnementale particulière, ce qui n’est pas le cas ici.
En effet, ce projet d’aire de grand passage se situe à quelques centaines de mètres seulement de deux ZNIEFF de type 1 et 2, ainsi qu’à proximité immédiate de deux zones de compensations environnementales.
En outre, le projet se situe au sein d’un réservoir de biodiversité inscrit au SRCE de la Région Île de France.
Par ailleurs, si l’unique diagnostic environnemental réalisé à la demande de la Communauté urbaine GPS&O a consisté en une seule journée d’inventaire en février 2019, qui n’a pas pu mettre en évidence la présence de certaines espèces protégées, ce rapport indiquait néanmoins :
« A partir des résultats des inventaires faunistiques et floristiques, il est possible de définir les enjeux (niveau de valeur écologique) pour chaque composante écologique, ceci en fonction des statuts de protection légale, des statuts aux échelles régionale, nationale et européenne. Ces enjeux permettent de mettre en évidence la présence de zones sensibles sur le site du projet du point de vue écologique. »
Les auteurs de ce pré-diagnostic prenaient soin de préciser que la période d’inventaire ne permettait pas d’appréhender les enjeux écologiques du site :
« Une seule date de prospection (en février), comme indiquée dans le tableau suivant, a permis de déterminer les habitats identifiables à cette époque de l’année et d’établir une liste non exhaustive des espèces végétales et animales présentes sur le site d’étude. »
Cette étude, manifestement lacunaire, sur laquelle tout le projet reposait, et le fait que ces terrains soient caractéristiques des terrasses alluviales – écosystème très rare en Europe et très menacé – a donc amené notre association à se pencher sur ce dossier.
Au regard du pré-diagnostic, RSNE a donc effectué plusieurs visites du site lors desquelles elle a pu constater la présence d’espèces protégées, dont la renoncule à petites fleurs, plante très rare et vulnérable en île-de-France et évidemment protégée.
Devant ce constat RSNE a sollicité plusieurs écologues et naturalistes, afin de réaliser des inventaires supplémentaires.
C’est ainsi qu’une richesse faunistique et floristique a pu être mise à jour.
En effet, des dizaines d’espèces menacées et protégées ont depuis été inventoriées sur le site, parmi lesquelles on peut citer :
- L’Alouette des champs « Vulnérable » sur la liste rouge
- Le Serin cini « En danger » sur la liste rouge
- Hypolaïs polyglotte « Quasi menacée » sur la liste rouge
- Bruant zizi « Assez rare »
- Linotte mélodieuse « Vulnérable » sur la liste rouge
- Le lézard des murailles « Protection nationale et inscrit à l'annexe IV de la Directive habitat. »
- L’Oedipode turquoise « Protégée »
De plus le site du projet présente des potentialités d’habitats pour des espèces gravement menacées comme :
- L’Oedicnème criard (protégée par la Directive oiseaux de l’UE et par les conventions de Bonn et de Berne) et nichant à proximité, voire même sur le site,
- Le Conocépéhale gracieux
- Le Grillon d'Italie
Face à de tels enjeux écologiques et devant l’opportunité bien contestable du projet, RSNE a donc décidé de l’attaquer.
Si les enjeux environnementaux suffisent à eux seuls pour justifier la démarche de l’association, il convient de s’interroger sur l’opportunité du site retenu.
Celui-ci est prévu sur des sols pollués aux métaux lourds, à 65 mètres d’une usine de méthanisation de déchets, à 150 mètres d’une incinérateur de déchets et pour couronner le tout, sous des lignes très hautes tensions de 64 000 volts.
On peut dire sans exagérer, que celui qui a décidé d’installer cette aire de grand passage pour les gens du voyage à cet endroit, n’avait que peu de considération pour la condition humaine… Et manifestement pas plus pour l’Environnement !
Ce projet est malheureusement l’exemple parfait de ce qu’il se passe sur notre territoire depuis trop d’années : Des projets inadaptés sont imposés aux populations, les enjeux environnementaux sont sous-évalués, l’État ferme les yeux sur toutes ces insuffisances…
RSNE n’est pas la seule association à s’opposer à une telle méthodologie, c’est ainsi que Bien Vivre à Vernouillet, Non au Pont d’Achères, ADIV Environnement, Triel Environnement, Bien Vivre à l’Hautil et le C.O.P.R.A 184, ont décidées de s’associer au recours gracieux adressé au préfet le 25 juin.
Cette solidarité associative amorce une action majeure pour notre territoire, puisqu’elle est la première de six procédures, qui seront engagées collectivement par des associations de protection de l’Environnement, contre des projets néfastes et mal pensés, que sont :
- Le contournement de la RD154 dans le bois de Verneuil
- La liaison RD30-RD55 dites du « pont d’Achères »
- Le projet de port d’Achères (PSM&O)
- Le projet de requalification de la RD190 entre Carrières-sous-Poissy et Triel-sur-Seine
- Le projet de port à déchets de Triel et Carrières
Par ce recours les associations du secteur sifflent la fin de la récréation et demandent une véritable prise en compte, tant des enjeux environnementaux, que de leurs propositions.
À défaut, le territoire de la Seine Aval pourrait être figé pour de nombreuses années par les procédures juridiques ; une position assumée par Anthony Effroy, le Président de RSNE :
« Les projets tels qu’ils sont définis aujourd’hui viendront dégrader pour de nombreuses années la qualité de vie des habitants, ainsi que l’Environnement, c’est pourquoi nous préférons les bloquer durablement par les procédures, plutôt que de devoir les subir durant des décennies. »
Le préfet des Yvelines a maintenant 1 mois pour statuer sur la demande des associations, mais dans l’hypothèse où il se refuserait à retirer cette DUP, le Président de RSNE prévient :
« Ce projet ne respecte pas la loi, il entraînera des dommages irréversibles à l’environnement et des destructions d’espèces protégées sans dérogation. Si le préfet ne revoit pas sa copie, une procédure de plein contentieux sera déposée devant le Tribunal administratif de Versailles par les meilleurs avocats en droit de l’Environnement. »
Mais une telle issue peut encore être évitée, et les associations le disent et le répètent :
« Si les projets sont adaptés aux besoins du territoire et des habitants, et respectueux de l’environnement, alors ces recours seront retirés ».
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