Beaucoup d’entre vous s’interrogent sur l’état d’avancement du dossier concernant la dépollution de la « mer de déchets ».
Le Président de RSNE, Anthony Effroy, revient sur ce scandale sanitaire et écologique dans une interview sans langue de bois.
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La médiatisation de cette catastrophe a commencé début 2018, pourtant cette décharge a vu le jour en 2016, pourquoi n’êtes-vous pas intervenu plus tôt ?
J’ai été informé de l’existence de cette décharge en juin 2017 et j’ai immédiatement alerté, avec deux autres associations (Triel Environnement et l’ASAEEC), l’ensemble des acteurs institutionnels (le Président de la Communauté Urbaine GPS&O, le Maire, le Préfet, les Députées).
Malheureusement à cette époque, nous avions deux très gros dossiers à gérer (le projet de port industriel de retraitement de déchets et le projet d’aménagement de la zone industrielle Ecopôle) et nous avons pensé que le signalement fait aux autorités serait suffisant.
Début 2018, c’est la vidéo amateur d’un carriérois révolté par cette situation, qui m’a appris que la décharge avait plus que doublé de volume. J’aurais du être plus vigilant sur l’évolution de la situation, j’assume cette part de responsabilité.
C’est à ce moment, qu’en concertation avec nos collègues de Triel Environnement et le lanceur d’alerte carriérois, nous avons décidé d’informer l’ensemble des médias locaux et nationaux de ce scandale écologique et sanitaire… La suite vous la connaissez !
Votre démarche s’est arrêté à de simples opérations de communication ?
Non, évidement, mais la communication est très importante dans ce type de dossier et la diffusion du sujet dans le magazine « Envoyé Spécial » a permis d’accélérer les choses au niveau de l’État et d’obtenir une véritable prise de conscience de la problématique des dépôts sauvages en Île-de-France et plus globalement à l’échelle nationale.
Parallèlement à ces démarches nous avons également déposé une plainte pénale auprès du Procureur de la République et engagé de notre côté une enquête pour identifier les responsables de cette catastrophe.
Par ailleurs nous devions, en partenariat avec quelques entreprises spécialisées amorcer le début de la dépollution, malheureusement cette opération à été rendue impossible par la signature d’un arrêté municipal, je le regrette.
Enfin, le 14 septembre 2018, j’ai personnellement saisi le Préfet de Région, Michel Cadot, afin de solliciter de l’État une aide exceptionnelle. Une demande qui a reçu une suite favorable, puisque par un courrier du 30 octobre, le Préfet de Région m’informait avoir débloqué un financement de 800 000 €.
Où en êtes-vous de l’enquête débutée en avril 2018 et visant à identifier les responsables de ces dépôts sauvages ?
Nos investigations ont bien avancé, et j’en profite pour remercier l’ensemble des membres de l’association et des bénévoles qui ont participé aux différentes actions (recherches sur site, enquête téléphonique, rencontre avec des responsables présumés...).
Les Amis de Triel et Triel Environnement nous ont appuyé tout au long de nos démarches et leur soutien a été un élément capital dans la réussite de ces investigations, je les remercie donc tout particulièrement.
Concernant l’enquête, nous avons identifié plus d’une vingtaine de chantiers, principalement sur Paris et la petite couronne. C’est un véritable travail de fourmi et même si nos investigations se poursuivent, nous avons identifié de manière irréfutable plusieurs sociétés responsables, mais le peu de visibilité que nous avons sur l’enquête judiciaire en cours nous impose pour le moment de ne pas communiquer leurs noms. En effet, nous ne voulons pas compliquer le travail des enquêteurs et préférons obtenir leur aval avant de pointer la responsabilité de certaines entreprises.
Nous allons devoir faire preuve d’un peu de patience, mais il faut rester confiant dans le travail de la police.
Le Maire de Carrières-sous-Poissy et la Députée Natalia Pouzireff ont annoncé en juin, que les premières opérations de dépollution débuteraient en septembre 2018, cette dépollution a-t-elle commencé ?
Effectivement des promesses ont été faites en juin, mais je suis toujours resté prudent face à ces effets d’annonce et malheureusement, force est de constater qu’aucune opération de dépollution n’a été engagée à ce jour et qu'aucun planning ne semble encore avoir été arrêté.
Comment expliquez-vous cela ?
Au-delà du manque de travail, je pense que les élus n’ont pas fait le bon choix en décidant d’inscrire la dépollution de cette décharge dans un projet plus global de revitalisation de cette plaine.
L’urgence, selon moi, est de supprimer cette décharge et les risques sanitaires et environnementaux qui en découlent, le reste nous verrons après !
Ce n’est hélas pas le chemin qui est pris...
En optant pour un GIP (Groupement d’Intérêt Public) la Communauté Urbaine GPS&O repousse les premières phases de dépollution de plusieurs mois, voire même de plusieurs années.
Quid de la santé publique et de la protection des milieux naturels ?
Je note au surplus que les 800 000 € débloqués par le Préfet de Région pourraient bien être utilisés pour d’autres choses que la dépollution de la décharge, ce qui est inadmissible et irresponsable !
Quelles sont les prochaines actions que vous comptez engager ?
Idéalement nous aurions souhaité commencer le nettoyage et la dépollution grâce aux sociétés partenaires qui nous soutiennent et qui veulent nous aider à supprimer cette décharge sauvage.
Nous comptions également solliciter les promoteurs de Carrières-sous-Poissy, comme Bouygues, Arc, ou encore Nexity. Nous pensons que ces sociétés ont tout intérêt à ce que l’image de la ville ne soit pas dégradée par cette décharge ; il serait donc cohérent qu’elles interviennent en tant que mécènes, car non seulement elles montreraient leur attachement à la préservation de l’environnement, mais permettraient également de maintenir les prix de l’immobilier sur la commune, ce qui est essentiel pour leurs activités commerciales.
La mauvaise expérience du 15 septembre dernier, lorsque le Maire de Carrières-sous-Poissy a interdit l'accès des véhicules de nos partenaires, venus pour procéder à l’enlèvement des déchets sur une parcelle de 1000 m², nous empêche d’organiser sereinement ce type d’action… Nous serions très ennuyés de mobiliser des moyens matériels et humains important et de ne pas pouvoir accéder au site.
C’est hélas là où nous en sommes et ce n’est pas dans l’intérêt des contribuables, qui devront assumer seuls le côut de cette dépollution, dont le montant est estimé à 4 millions d'euros.
Comment expliquez-vous que le Maire de Carrières s'oppose à ces opérations de dépollution ?
C'est difficile à expliquer, mais je pense que Monsieur Delrieu a beaucoup de mal à faire la différence entre mon mandat d’élu minoritaire au sein du Conseil municipal et mon activité de Président d’association.
L’argument de la dangerosité du site peut évidemment être soulevé et je ne le conteste pas, néanmoins je m’étonne que son arrêté d'interdiction ait été signé la veille de notre opération de dépollution, alors qu’il était informé de la situation depuis deux ans et qu’il aura attendu un an, un clip de rock sur la décharge et le doublement du volume de déchets, pour enfin prendre des mesures concrètes.
La dépollution de ce site est d’intérêt général et constitue un impératif sanitaire, j’en appelle donc une nouvelle fois au bon sens du Maire de Carrières-sous-Poissy, afin qu’il autorise les opérations de dépollution organisées par notre association, opérations, qui je le rappelle seront conduites par des entreprises spécialisées titulaires des agréments ISO 9001 et ISO 14001.
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